Le papier washi, bijou de l'artisanat japonais

De l’arbuste à la feuille de papier

Il fallait bien qu’un jour j’écrive un article sur le papier washi qui est tout de même la base de La Factorigami!
Le terme washi (wa=japonais shi=papier) désigne désigne l’ensemble des papiers traditionnels fabriqués au Japon à partir de longs morceaux d'écorce provenant principalement du kozo (ou mûrier) mais aussi du ganpi ou du mitsumata. 
La fabrication du papier washi, telle qu’elle est faite dans le savoir-faire japonais traditionnel, n'est pas standardisée: il existe autant de papiers washi que d’ateliers. Chaque papier va ainsi différer selon l’atelier, la localisation géographique (qualité de l’eau, type de climat). 
 
Il est le fruit d’un long processus de fabrication qui respecte une méthode traditionnelle japonaise appelée nagashizuki. Grâce à ses longues fibres entrelacées, ce papier est à la fois très souple et résistant. Il s’apparente, sous certains aspects, à du papier non-tissé. Il ne se déchire pas facilement et n’a pas de sens particulier de trames, ce qui en fait un papier idéal pour le cartonnage ou la reliure. Il est généralement fabriqué durant la période hivernale, au moment où le mûrier perd ses feuilles et où l’air se fait plus sec au Japon. La production de washi représentait pour certains japonais un complément de revenus lorsque l’hiver s’installait et qu'ils arrêtaient leurs activités agricoles. Il reste très peu d’ateliers traditionnels au Japon, souvent isolés dans la campagne et tenus par des personnes très âgées. Le travail est très laborieux, ce qui n’attire pas les nouvelles générations. 
 
Je vous épargne ici la description détaillée et assez compliquée de chaque étape de fabrication et je vous invite à vous balader sur le fabuleux blog d’ Emilie qui parcourt le Japon à la recherche des derniers ateliers traditionnels, Hariko paperVoici grosso modo les 10 étapes de la réalisation d'une feuille de papier washi: récolte des branchages, cuisson & écorcage, blanchiment, cuisson des fibres, broyage, préparation de la pulpe, formation des feuilles par tamis, pressage, séchage, finition. 
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Voici une petite vidéo illustrant bien ces étapes dans un atelier de Kyoto:
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À quoi sert le papier washi?

Le papier washi est utilisé depuis des centaines d’années au Japon pour une multitude d’usages: comme support pour l’écriture, la peinture, il peut aussi se coudre et être ajouté aux kimonos. Le washi était aussi utilisé pour la confection des panneaux coulissants au sein des maisons traditionnelles japonaises (Shoji) mais aussi des objets du quotidien et des rites shintoïstes (éventails, objets de décoration). Le washi est vraiment un matériau populaire au Japon qui s’utilise dans la vie quotidienne pour des objets basiques jusqu’à des emplois plus luxueux. 

Petite anecdote très intéressante que j’ai découverte dans le blog d’Emilie: lors de la grande inondation de Florence en 1966 durant laquelle un flot de boue s'abattit sur des centaines d’ œuvres très précieuses de la Renaissance, les restaurateurs ont utilisé du papier washi pour restaurer les œuvres grâce à leurs incroyables propriétés de résistance.  Depuis cet événement, les papiers washi de très haute gamme sont utilisés régulièrement dans le cadre de la conservation et restauration d'œuvres d’art.

Les Japonais reconnaissent le talent des fabricants de papier, honorant plusieurs maîtres en la matière du titre de « trésors nationaux » et considérant les meilleurs papiers produits comme des « biens culturels immatériels importants ». En 2014, le washi a été ajouté à la liste du Patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO, ce qui en fait un joyau reconnu au Japon et dans le monde entier.

Quelques exemples aujourd'hui:

Exemple de Shoji, cloisons translucides en papier washi

 

Les superbes créations de Céline Wright

Du blanc à la couleur

Un peu de vocabulaire tout d’abord: le papier yuzen est un papier à motifs colorés et souvent très détaillés. Même si les motifs représentés sont souvent multi-séculaires, ces papiers sont assez récents: ils datent des années 1960/1970 au cours desquelles les industriels du papier reprirent les motifs du secteur textile fabriquant les kimonos. Les motifs sont imprimés en sérigraphie, chaque passage correspondant à une couleur. C’est ce papier que j’utilise pour mes bijoux. Le chiyogami est un type ancien de papier décoré de motifs plus simples car imprimés à l'aide de plaques de bois gravées, un peu comme la technique des blocs de bois (block print) en Inde. 

Et voilà, vous connaissez à présent les grandes lignes du papier washi. La partie coloration et sérigraphie mériterait à elle seule un article complet: les détails et nuances des motifs sont si incroyables! J'en sais quelque chose puisque je passe mes journées le nez dessus :)

Quelques liens pour approfondir le sujet:
- Bien-sûr le blog d'Emilie, l'experte numéro du papier washi, pour découvrir tous les secrets du papier au Japon, de la fabrication à la coloration.
- Toujours avec Emilie mais sous forme de podcast Couleur Wasabi, partez à la découverte d'ateliers d'artisans avec son amie Morgane Boullier, une très talenteuse artiste sumi-e.
- Les fabuleuses lampes de Céline Wright qui travaille principalement le papier washi